ODLIZ BMR
noir de j'ai
J'ai
Dormi pour trente ans sans aire de repos
Marché des centaines de siècles lumières
Mangé pour un embouteillage de cars scolaires
Bu et rebu une cirrhose d’écumes sucrées
Souri à des nuées d’anonymes
Fantasmé des pellicules de négatifs parfumés
Rêvé pour des régiments de Pierrot-la-lune
Plongé au beau milieu de mirages-océans
Compté des troupeaux infinis de moutons somnambules
Lutté sans cesse contre des moulins moqueurs
Crié si loin que les nuages se sont percés
Pleuré si fort que je les ai regonflés
Prié comme des files d’attentes obèses de pèlerins névrosés
Saigné mes quatre veines et celles de mes futurs ancêtres
Sué sang et eau, eau et sang par hectolitres apeurés
Enseveli mes illusions sous des monceaux de terre ferme
Rompu mon cou au-devant de précipices attirants
Arrondi des placards d’angles théoriquement isocèles
Arraché poignées sur poignées de cheveux rouillés
Sali des immeubles entiers de pollution nerveuse
Crayonné des abribus de cahiers avec de l’encre colorée
Relevé des montagnes de manches besogneuses
Ravitaillé mes tubes effervescents en folie concentrée
Recollé des dizaines de cœurs amèrement vagabonds
Ri encore et encore devant la terre qui tremblait
Rencontré en chemin des myriades d’étoiles filantes
Savouré des moments éternels de grâce polie.
Étreint wagons entiers de spirales à chaleur tournante
Coupé des paniers de poires en mosaïque déconfite
Porté différentes falaises d’encombrements escarpés
Gravé sur des remorques songeuses des histoires inachevées
Rallumé des paysages d’ombres fébriles
Creusé des puits de fissures avec mes fusées de détresse
Ranimé des comas de torpeur dans de tendres convulsions
Recousu plusieurs pharmacies d’oreilles cassées
Pansé des déserts de chair écorchée
Parsemé de fleurs une autoroute de malheurs
Grimpé sur des vagues de malice millésimée
Découvert sous mille coins d’oreillers des flaques ardentes de baisers
J’ai
aimé comme jamais
la vie qui m’importunait.